Florestal le Moine, un auteur atypique
De ces gens qui savourent la vie au gré de leur cheminement et de leur danse avec le temps, certains s’accordent à dire que tout est question de choix. D’autres, en revanche, saisissent les opportunités sans trop les soupeser. Ils s’acquittent de leurs dettes envers la vie par leur inclinaison à puiser dans leur passion assez de lumière pour la répandre ensuite sur les autres, et faire d’eux, ainsi, un ensemble provenant d’un tout diffus, différent, divergent, destiné à créer l’harmonie d’une vie haute en couleurs. De l’éclat des mots à l’état des maux, l’effervescence qui se dégage de l’union sublime qu’engendre la vie est parfois l’égérie et l’empreinte de l’amour. Florestal le Moine, qui a vécu plusieurs vies au prix d’une, fait de sa vie un roman ; il est un personnage fantasque qui se réinvente continuellement pour mieux incarner l’être qu’il entraîne dans le sillage de l’existence.
Né Florestal Fleurimond, au Cap-Haïtien, il signe ses œuvres sous le nom de Florestal le Moine. Il n’explique pas les raisons d’un tel choix, mais on en serait à penser que cela effleure de peu une quelconque référence à la légende qu’incarnent les moines, ces êtres iconiques, aussi mystérieux que vertueux. La ville du Cap l’a vu grandir et devenir, au gré d’expériences en tout genre, l’homme qu’il est aujourd’hui, chevauchant un nuage de mots somptueux, tissant les liens resserrant les milliers d’éléments qui composent le film de sa vie.
L’homme se découvre dans la douleur et se forge dans la résilience. La douleur survient souvent au moment où l’horizon épouse ses formes les plus tendres, se prolongeant dans l’infini brasier d’un univers qui jette sa lumière euphorique sur un monde qui tressaute de vie. Et soudain, sans mesurer la chute, on cale dans le fond d’un puits abyssal. Alors vient le moment de se ressaisir, de vouloir à tout prix comprendre par quel mécanisme un tel malheur a pu arriver. Florestal garde de son enfance le souvenir d’une époque caractérisée par la plus tendre innocence. Cette période de la vie où le bonheur n’est qu’un mot, un concept abstrait auquel on ne s’intéresse guère, trop occupé à le vivre dans sa profondeur vertigineuse, dans sa grandeur incommensurable. Mais la douleur arrive à l’adolescence, lorsque ses parents se séparent.
« J’ai encaissé, dans mon adolescence, le plus dur des coups parmi ceux que la vie a pu m’assener jusqu’à aujourd’hui : la séparation de mes parents, se souvient-il. J’ignore quel Loa m’avait tenu la main à ce moment-là. J’étais seul et livré à moi-même. J’ai failli me perdre et perdre l’homme que je suis devenu aujourd’hui. Je pense que c’est à partir de là que j’ai appris à dompter ma vie et en devenir le maitre. »