L’avenir d’Haïti se dessine entre le pouvoir politique traditionnel corrompu et l’influence des gangs mercenaires
Après une intense diplomatie internationale, un conseil de transition émergerait comme « l’espoir » pour apaiser les tensions en Haïti. Quels sont les enjeux et les acteurs clés dans cette transition politique avec les mêmes acteurs ?
L’avenir d’Haïti est actuellement tracé le long de deux trajectoires divergentes : l’une étroitement liée aux corridors traditionnels du pouvoir politique « patripoche » sans vision, tandis que l’autre est enracinée dans l’influence redoutable des gangs, des vrais mercenaires.
À la suite d’une session intense de diplomatie internationale en Jamaïque, la CARICOM et les États-Unis ont révélé mardi que l’espoir d’apaiser la violence en Haïti repose sur un conseil composé de personnalités influentes chargées d’élire un dirigeant intérimaire et éventuellement de guider le pays vers des élections présidentielles imminentes, sans toutefois aborder l’aspect juridique et constitutionnel d’une telle présidence à 7 Tèt Kale.
Simultanément, au cours de leurs échanges avec la presse, un chef de gang lourdement armé, impunité oblige, a tenu une conférence de presse improvisée à Port-au-Prince, rejetant catégoriquement toute solution orchestrée ou soutenue par la communauté internationale.
« Le peuple haïtien choisira qui les gouvernera », a affirmé Jimmy « Barbecue » Chérizier lundi.
Depuis des décennies, la politique haïtienne a constamment oscillé entre ces deux mondes, comme l’ont expliqué des experts interrogés par The Associated Press cette semaine. Les politiciens et les intérêts commerciaux ont perpétué des prétextes légaux formels tout en utilisant des gangs pour imposer leur domination dans les rues tumultueuses.
QUI DÉCIDE DE LA TRAJECTOIRE DE L’AVENIR D’HAÏTI ?
Le Premier ministre Ariel Henry a annoncé son intention de démissionner, -sur demande de se tuteurs-, dès la création du conseil présidentiel de transition. Un rgane non prévu par la Constitution. Le président de la Guyane, Irfaan Ali, a précisé que le conseil de transition (un tchaka présidentiel) comprendrait sept membres votants et deux membres non votants.
Parmi les sept membres votants figurent trois factions politiques classiques, un groupe de la société civile connu sous le nom d’Accord de la Montana et des représentants du puissant secteur privé du pays.
Bien que la société civile ait un rôle nominal aux côtés de l’Accord de la Montana, certains observateurs estiment que cette inclusion est loin d’être suffisante.
« Le reléguement de la société civile et du secteur religieux d’Haïti au simple statut d’« observateur » au sein d’un conseil de transition largement dominé par les membres de l’élite politique discréditée du pays et leurs alliés en dit long », a déclaré Michael Deibert, auteur de « Notes From the Last Testament: The Struggle for Haiti » et « Haiti Will Not Perish: A Recent History ».
QUI FAIT PARTIE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION QUI FAÇONNE L’AVENIR POLITIQUE D’HAÏTI ?
L’une des factions participantes est le parti Pitit Desalin, dirigé par l’ancien sénateur et candidat à la présidence Moïse Jean-Charles, désormais allié à Guy Philippe, ancien chef rebelle ayant dirigé un coup réussi en 2004 et récemment libéré d’une prison aux États-Unis après avoir plaidé coupable de blanchiment d’argent.
Philippe, personnage charismatique, a joué un rôle clé dans l’insurrection de 2004 contre l’ancien président Jean-Bertrand Aristide et entretenait des liens puissants avec la police, les politiciens et l’élite économique.
L’ancien Premier ministre de facto Claude Joseph, Tèt Kale #2, dirige le parti EDE/RDE, qui détient également un vote au sein de l’ »almagame » présidentiel copains-coquins.
De plus, le conseil comprend le parti Fanmi Lavalas, soutenu par Aristide, et une autre coalition dirigée par Henry, les membres de l’Accord du 21 décembre ayant ruiné le pays pendant ces 32 derniers mois.
Robert Fatton, expert en politique haïtienne à l’Université de Virginie, a souligné un chevauchement apparent entre les membres du conseil récemment annoncé et un autre groupe créé ces dernières semaines pour apaiser les troubles civils en Haïti de la même manière.
QUELS SONT LES PRINCIPAUX OBSTACLES À SURMONTER ?
Francois Pierre-Louis, professeur de science politique au Queens College de la City University of New York, soutient que les solutions passées aux crises haïtiennes ont trop souvent mis l’accent sur la capacité des nations étrangères à résoudre les problèmes en Haïti, privant les Haïtiens de leur autonomie dans la détermination de leur destin.
« Le gouvernement américain et la communauté internationale n’ont pas permis aux Haïtiens de décider par eux-mêmes de ce qui doit être fait, et cela se fait de deux manières », affirme Pierre-Louis.
Plus précisément, les acteurs externes ont sapé la société civile et omis de punir les éléments néfastes, rendant la tâche de construire une société fonctionnelle infiniment plus difficile.
Néanmoins, l’instabilité endémique en Haïti peut avoir atteint un point où seule une force armée étrangère peut rétablir l’ordre, estime Eric Farnsworth, vice-président du Council of the Americas et de l’Americas Society.Cependant, il met en garde contre la nécessité d’une acceptation locale, qualifiant la situation actuelle de situation sans issue.