Champs de Mars, un véritable champ de bataille
Situé à un jet de pierre du Palais national, actuellement convoité par les gangs armés, le Champ de Mars, plus grande place publique de Port-au-Prince, est devenu une « zone de guerre », un champ de bataille. Il ne se passe quasiment pas un jour sans une attaque des bandits armés de la coalition « Viv Ansanm » dans les parages. Jadis espace de loisir, il est désormais rythmé par les affrontements entre bandits et policiers.
Port-au-Prince le 10 avril 2024.- Lieu désertique, restaurant mobile à porte fermée, tables vides, l’absence des motards… Le Champ de Mars offre le visage d’un espace frappé par un cataclysme. Les petits marchands, les groupes de discussions font place au concert des tirs nourris.
Il est midi, le lundi 8 avril, ici au champ de Mars le constat est effrayant. Un endroit qui était animé d’une ambiance de plaisir et de loisir est devenu méconnaissable. Tout cela se passe, non loin de la base de l’Unité de Maintien d’Ordre (UDMO) et la direction départementale de l’Ouest (DDO) de la police qui tentent, tant bien que mal, de contrer les menées sordides des civils armés.
L’impact de la violence des gangs sur les activités commerciales et de loisir au champ de Mars
Depuis environ un mois, la capitale d’Haïti connait des moments sombres avec des assauts meurtriers des bandes criminelles. Scènes de pillages, incendies, assassinats et des attaques répétées contre des institutions publiques et privées sont parmi les actes orchestrés par les malfrats. Ces derniers, qui rêvent à tout prix de s’emparer du Palais national, mettent le centre-ville de Port-au-Prince à feu et à sang, au propre comme au figuré.
Champs de Mars, autrefois considéré comme un des foyers de loisir de Port-au-Prince, est désormais devenu un véritable champ de bataille entre les forces de l’ordre et les gangs armés. Une situation qui provoque le chamboulement total d’un ensemble d’activités de loisir et commerciales dans l’air du champ de Mars, notamment la place des artistes et celle des pompiers.
Miguelita, une marchande de barbecue au Champs de Mars ne cache pas son désarroi et ses frustrations, par rapport à cette situation. « Nous sommes des laissés pour compte, des oubliés de l’État, pourtant c’est chez nous que certaines institutions publiques et privées prennent leur petit déjeuner. On dirait qu’il s’agit d’un complot contre les gens défavorisés », affirme-t-elle.
« Depuis plusieurs jours, les « business » formels et informels ne peuvent pas fonctionner normalement au niveau du Champs de Mars, à cause de la violence des gangs. Maintenant que dois-je faire pour subvenir aux besoins de mes enfants et ma famille ? J’ai 35 ans, en tant que marchande, je n’ai jamais connu pareille situation », déplore-t-elle.
Un propriétaire d’un bar mobile, situé à la place des pompiers, nous fait part de ses inquiétudes concernant le tournant lamentable que connaît le Champs de Mars actuellement. « Je ne trouve pas de mots pour décrire cette situation, on ne sait pas encore jusqu’à quand cette guerre pour la prise du pouvoir s’arrêtera. J’ai fait des investissements pour divertir les Port-au-Princiens. Je paie régulièrement mes impôts, malheureusement l’État, à travers les forces de l’ordre, ne peut pas instaurer un climat de sécurité au niveau de la capitale. On est livré entre l’enclume des forces de l’ordre et le marteau des gangs armés », a-t-il déclaré.
Les artisans/exposants en font aussi les frais
Coup dur pour les artisans/exposants du Champs de Mars. Depuis un certain temps, le secteur artisanal est traité en parent pauvre en Haïti. Malgré ce mépris, le Champs de Mars était toujours considéré comme un lieu de référence, pour accueillir l’exposition des œuvres d’arts des artisans, venant de différents horizons.
Benjamin, un artisan qui a l’habitude d’exposer ses œuvres d’arts sur la plus grande place publique du pays n’en revient pas. Père de famille, artiste peintre qui, avant gagnait sa vie de son métier au jour le jour au Champs de Mars, il est profondément affecté par l’assaut des gangs armés.
« Le secteur artisanal est inscrit dans la liste noire de l’État central, on est marginalisé depuis plusieurs années, pourtant cela n’empêche pas que le secteur paie les frais de l’insécurité qui ravage Port-au-Prince ces derniers jours. Depuis plus d’un mois, je ne peux pas vaquer à mes activités à cause de la violence brutale des gangs armés au niveau du Champs de Mars (Place des artistes). Je suis dans une situation très difficile, je ne sais quoi faire, je ne peux pas rester passif face à ma responsabilité de père de famille. De plus, je suis un débiteur de la banque, je ne peux pas honorer mes dettes actuellement à cause de cette situation catastrophique, c’est dur pour moi ».
A souligné que, la violence des gangs armés sur la place dame, ne risque pas seulement de paralyser les activités de loisir et commerciales. En effet, les endroits qui abritent les statuts des héros de l’indépendance tels Toussaint, Pétion et Dessalines, sans oublier le statut du Nègre Marron (œuvre d’Albert Mangonès) sont exposés aussi aux impacts des balles perdus, durant les affrontements entre gangs armés et forces de l’ordre. Maintenant, quelle solution de sauvetage pour protéger ces symboles historiques?
Judelor le Sage