Journée mondiale du théâtre : où sont passées les salles de spectacle de Port-au-Prince ?

Chaque 27 mars, la Journée mondiale du théâtre met en lumière l’importance de cet art dans les sociétés du monde entier. Mais en Haïti, particulièrement à Port-au-Prince, les salles de théâtre se font rares, victimes de l’effondrement des infrastructures culturelles, de l’insécurité croissante et du manque d’investissements. Les artistes, privés d’espaces d’expression, peinent à maintenir une scène théâtrale vivante.
Des infrastructures en déclin, un art en souffrance
Port-au-Prince, le 27 mars 2025 – La disparition progressive des salles de théâtre dans la capitale haïtienne s’explique par plusieurs facteurs. Selon Steeve Antoine, étudiant mémorant en histoire de l’art et archéologie et médiateur culturel, le premier obstacle est le manque criant d’infrastructures adaptées. Le séisme de 2010 a détruit des lieux emblématiques comme le Rex Théâtre, tandis que d’autres espaces, comme le Théâtre National, se retrouvent à l’abandon ou menacés par l’insécurité.
Cette instabilité sécuritaire, notamment dans des zones clés comme le Champ de Mars ou les abords du Village de Dieu, empêche le bon déroulement des représentations. « Aller au théâtre est devenu un luxe, non seulement pour des raisons économiques, mais surtout par peur », explique Antoine. Face à ces défis, la scène théâtrale haïtienne se rétrécit dangereusement.
Un secteur asphyxié par l’insécurité et la crise économique
Le manque de financements constitue un autre frein majeur au développement du théâtre en Haïti. Les subventions publiques sont quasi inexistantes, et les sponsors privés, frileux, hésitent à investir dans un secteur perçu comme peu rentable. En conséquence, de nombreux artistes se tournent vers l’étranger, aggravant la désertification culturelle de la capitale.
Le public, lui aussi, se fait de plus en plus rare. Entre la crise économique et les préoccupations sécuritaires, les représentations ne remplissent plus les rares salles encore en activité. « Quand on a du mal à se nourrir, on ne pense pas à acheter un billet de théâtre », confie un habitué des spectacles, regrettant une époque où le théâtre faisait partie du quotidien des Port-au-Princiens.
Une scène théâtrale qui refuse de disparaître
Face à ces obstacles, les artistes haïtiens redoublent d’ingéniosité pour continuer à jouer. Faute de salles dédiées, les cours d’écoles, les places publiques et les centres culturels improvisés deviennent les nouveaux théâtres de Port-au-Prince. Certains misent sur le théâtre de rue, s’adressant directement à la population, tandis que d’autres investissent les réseaux sociaux et les plateformes de streaming pour toucher un public plus large.
Le théâtre haïtien s’adapte également en devenant un outil de sensibilisation. De nombreuses compagnies intègrent leurs performances dans des initiatives communautaires, abordant des thèmes sociaux et politiques à travers l’art dramatique.
Quelles solutions pour sauver le théâtre haïtien ?
Pour Steeve Antoine, la revitalisation du théâtre à Port-au-Prince passe par plusieurs étapes cruciales :
Sécuriser les espaces culturels : sans un retour à un minimum de stabilité, il sera impossible d’organiser des représentations régulières.
Investir dans les infrastructures : la réhabilitation des salles existantes et la construction de nouveaux espaces dédiés au théâtre sont essentielles.
Encourager le soutien financier : l’État et les entreprises privées doivent s’impliquer davantage pour soutenir la production théâtrale.
Intégrer le théâtre dans l’éducation : en l’introduisant à partir de l’école, on peut former une nouvelle génération d’artistes et de spectateurs.
Démocratiser l’accès au théâtre : organiser des tournées dans les régions reculées permettrait de toucher un public plus large et de raviver l’intérêt pour cet art.
Malgré les difficultés, le théâtre haïtien n’a pas encore dit son dernier mot. La Journée mondiale du théâtre rappelle que cet art est un miroir de la société, un espace de réflexion et d’émotion collective. Mais encore faut-il lui redonner les moyens d’exister.